L’ECM est-il vraiment mort ?

Depuis un certain temps maintenant bon nombre de cabinets de conseil annoncent la fin de l’ECM au profit des CSP : « Content Services Platforms ».

On ne parle pas ici d’obsolescence de technologies vieillissantes au profit de plus récentes, mais tout simplement d’une évolution naturelle d’un terme utilisé depuis maintenant plus d’une quinzaine d’années, au profit d’une terminologie désignant plus fidèlement la gestion actuelle du contenu et des données au sein de l’entreprise. Nos dictionnaires s’enrichissent chaque année de nouveaux mots, il en va de même pour les concepts utilisés dans l’informatique.

LES PRATIQUES DE L’ECM OBSOLÈTES

Reste à savoir pourquoi ? Les pratiques historiques de l’ECM ne répondent plus, en l’état du moins, aux besoins de transformation digitale ; il importait donc de repenser l’approche technologique. Exit donc :

  • Les dépôts documentaires monolithiques (des silos d’information). Ces derniers ne fournissent généralement qu’un seul point d’accès à l’information, et les possibilités d’intégration avec le reste du système d’information sont compliquées voire impossible, et sont contraints par l’implémentation et le design de la solution de l’éditeur.
  • Les solutions de gestion documentaire basées sur des architectures traditionnelles (qui, pour bon nombre d’entre elles ne sont que des hybridations du principe client – serveur). Ces architectures ne sont plus adaptées aux technologies actuelles où les clients recherchent de la montée en charge horizontale et des performances accrues.
  • Les environnements de développement et de personnalisation de la solution conçus sur des technologies et des frameworks propriétaires et vieillissants qui nécessitent des compétences spécifiques pour chacune des solutions.
  • L’expérience utilisateur complexe et les interfaces clientes propriétaires livrées de facto avec la solution ECM où L’utilisateur doit s’adapter à l’interface alors que la logique voudrait que cela soit le contraire.

LES FONCTIONS DE L’ECM MODERNE

Les solutions de gestion de contenu, ou plutôt les plateformes devrais-je dire, doivent désormais être en mesure :

  • De gérer et d’accéder à du contenu réparti au sein du système d’information. L’information peut se trouver n’importe où et la solution permet de la fédérer dans un meta-repository.
  • De gérer des types de contenu de plus en plus variés voire dynamiques et de plus en plus volumineux. Aux documents traditionnels viennent désormais s’ajouter des formats vidéo, audio, … et la solution doit permettre de visualiser et de streamer ces données.
  • De s’intégrer dans des choix technologiques d’entreprise actuels et innovants. La solution se base désormais sur des technologies présentes au sein du système d’information, et non plus sur des frameworks propriétaires et spécifiques à la solution de gestion de contenu.
  • De fournir une expérience utilisateur adaptée aux besoins de ce dernier : la solution s’adapte désormais à l’utilisateur et non plus le contraire.
  • De proposer une architecture extensible et des facilités d’intégration dans le système d’information existant (approche « API-First ») afin d’éviter les silos d’information.
  • De fournir une architecture modulaire, moderne et scalable, tout en gardant une gestion centralisée du contenu (point clef d’une sécurisation et d’une administration optimales des données).
  • D’offrir la possibilité d’être hébergée localement, mais également sur le Cloud (voire de manière hybride).
  • De fournir des performances excellentes malgré l’augmentation du volume et de la variété des types de contenu.
  • De couvrir les besoins traditionnels des solutions ECM, mais également les nouveaux besoins (Cloud, Mobile, Analytics, …) et, potentiellement, ceux à venir.

Nous devons désormais parler de plateforme offrant une architecture orientée services (des services extensibles et adaptables) et gérant le contenu de manière centralisée (non incompatible avec une répartition décentralisée des données telle que le Cloud le propose –soit pour des problématiques de type DRP ou plus simplement pour l’optimisation de la distribution des données). Cette plateforme doit être capable de rassembler tout type de contenu, d’où qu’il vienne et quel que soit la manière d’y accéder, et être en mesure de le partager où cela est nécessaire et avec qui cela est nécessaire et quand cela est nécessaire.

Si l’on reprend la définition exacte proposée par Gartner :
“A content services platform is a set of services and microservices, embodied either as an integrated product suite or as separate applications that share common APIs and repositories, to exploit diverse content types and to serve multiple constituencies and numerous use cases across an organization.”

QUI PEUT FOURNIR CE TYPE DE SOLUTION?

Est-ce que les éditeurs de solutions « classiques » d’ECM sont capables de moderniser leur solution actuelle afin de les rendre ouvertes, flexibles et basées sur des bases technologiques récentes ? J’en doute pour bon nombre d’entre eux car cela reviendrait à réadapter leur solution dans son intégralité et pousserait à une remise en cause totale. Cependant, et d’après les analystes de Gartner, 20% des vendeurs vont transformer (s’ils ne le font pas déjà) leurs offres de solutions ECM en solution CSP.

Est-ce que les clients de solutions « classiques » d’ECM oseront (ou seront capables) de prendre un tel virage et de changer pour une plateforme orientée services de contenu ? Tout dépend de l’utilisation de leur solution existante… Si la solution ECM actuelle permet de gérer du contenu à forte contrainte réglementaire et / ou a été fortement personnalisée (avec une complexité technique) pour répondre à des besoins bien précis de l’entreprise, je pense que cette dernière restera en place encore quelques années et tout en continuant son évolution de manière ponctuelle et réfléchie. Au contraire, si la solution en place couvre des besoins standards de gestion documentaire mais ne s’intègre pas au système d’information et ne propose pas, ou peu, de perspectives d’évolution, alors le client prendra certainement le virage vers une plateforme orientée service de contenu pour palier à ces limites. A ce sujet, Gartner estime que 15% des entreprises vont passer de leur solution d’ECM classique vers une plateforme ouverte à horizon 2020…

Ces entreprises vont donc préférer réinvestir plutôt que de capitaliser et procéder à une réingénierie de leur solution actuelle : tout dépend de leur stratégie du changement…

Finalement, est-ce donc la mort de l’ECM, vraiment ?

Pas vraiment à mon sens.

Nous avons une évolution naturelle de la terminologie (le terme ECM a bien remplacé le concept de « Document Management » dans les années 2000) couplée à une évolution technologique. Les solutions d’ECM classiques devraient perdre de leurs parts de marché au profit des « Content Services Platforms », faute de pouvoir s’adapter à des coûts raisonnables, dans les années à venir. Cependant, la gestion de l’information (donc, entre autre, du contenu) est, et restera, une problématique vitale au sein de l’entreprise et les solutions classiques d’ECM qui ont un ancrage fort au sein du système d’information de l’entreprise seront difficiles à pousser dehors.

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